« ... Alors que la fin de l'étape est proche, j'aborde une difficile montée. Je descends alors de vélo pour ne pas y laisser mes genoux. Je croyais être habitué au relief très exigeant de la Nouvelle-Zélande, mais celle-là est plus forte que les autres et ronge mon moral. Tout au long de cette montée, je me dis que je ferais mieux de tirer tout droit une fois arrivé à Raetihi. Je ne serais alors qu'à soixante petits kilomètres de Taupo. J'ai déjà vu et vécu beaucoup de choses ici, et je suis fatigué. Les pentes semblent de plus en plus fortes (elles le sont), mes genoux sont toujours douloureux... Mais, arrivé au sommet, le Mont Ruapehu m'apparaît, splendide, enneigé, majestueux. Un miracle… Je ne m'attendais pas à voir cette montagne comme cela, et je suis éberlué, transporté par une énorme joie. Je jubile et me souviens. C'est pour cela que je pédale. C'est pour pouvoir apprécier cette nature généreuse que je suis là avec mon vélo. Et pourtant, elle me domine de toute sa puissance, elle se joue de moi depuis mon départ en m'imposant de fortes pentes, des vents terribles ou des journées copieusement arrosées. Je ne peux que tenter de m'adapter à ce qu'elle me fait subir. Mais, dans le même temps, elle me donne une force incroyable, une volonté d'aller toujours plus loin pour la découvrir dans sa totalité. Alors la douleur devient poussière, soufflée par un vent de bonheur et de courage mêlés, et emportée à mille lieues de là. Mes idées de raccourcis s'évaporent.[...]

Je retrouve comme prévu Tina, une amie allemande rencontrée à Auckland. Je la vois riant aux éclats… Que se passe-t-il ? Lorsqu'elle m'a vu, elle ne comprenait pas pourquoi j'étais juché sur un tracteur… Mais en regardant de plus près, il s'agit bien de mon vélo. Le lourd charge-ment, avec les deux grosses valises noires à l'avant et à l'arrière, lui a fait croire qu'il s'agissait d'un tracteur… Elle rit de cette illusion d'optique.... »